Les bulletins d'évaluation annuels réalisés dans le cadre du projet Améliorer la Transparence dans le Secteur Forestier renseignent sur les principales évolutions et tendances de la gouvernance forestière dans les sept pays au cours des quatre dernières années. Il s'agit d'outils pertinents pour les ONG, en cela qu'ils leur permettent de surveiller le secteur et de plaider en faveur du changement. Des démarches propices à l'amélioration de l'accès à l'information et à la participation au processus décisionnel ont été identifiées (voir tableau ci-après) ; mais les bulletins servent aussi à démontrer combien les défaillances systémiques caractérisées par une culture du secret et la corruption facilitent la destruction des forêts par des intérêts catégoriels. Nos conclusions sont structurées autour de six grands principes :
Accès à l'information
Même lorsqu'il existe des lois sur la liberté de l'information et des accords spécifiques au secteur forestier qui régissent l'information publique, les autorités forestières se dispensent souvent de publier les documents clés et de répondre aux demandes de renseignements. Cela signifie que même des informations fondamentales comme l'identité des personnes autorisées à abattre des arbres dans les forêts et la destination des revenus forestiers sont inconnues. Par ailleurs, les autorités centrales prennent souvent leurs décisions de manière arbitraire et à huis clos, l'information restant donc à ce niveau sans parvenir jusqu'aux communautés locales qui ont le plus besoin de savoir ce que l'avenir réserve à leurs forêts. Le personnel mal informé et dénué de tous pouvoirs qui est en contact direct avec le public craint d'être puni au cas où il transmettrait des informations « confidentielles ». La capacité des organisations de la société civile et des médias à analyser et diffuser l'information pour qu'elle soit comprise et utilisée par les populations est également limitée.
Démarche axée sur les droits
Les populations indigènes ont rarement leur mot à dire sur l'exploitation des ressources naturelles sur les terres où elles vivent depuis des siècles. Si les sept pays affichent certains progrès en matière de reconnaissance des droits coutumiers dans le cadre des réformes forestières menées ces dernières années, il reste encore beaucoup à faire. Les innovations dans le domaine de la gestion des forêts communautaires sont dotées de ressources insuffisantes et accusent des années de retard par rapport aux investissements à échelle industrielle consentis dans l'extraction du bois, les opérations minières et les plantations agricoles, ce qui montre que l'État est peu disposé à céder une partie de ses pouvoirs. Il est impératif que le consentement des populations indigènes soit fondamentalement modifié en veillant à la reconnaissance formelle de leur droit à l'autodétermination basée sur la tenure foncière coutumière, au lieu de considérer ce consentement comme une exigence qui peut être manipulée ou ignorée.
Participation à l'élaboration des règles
On constate l'existence de signes encourageants selon lesquels, depuis quelques années, la société civile et les communautés forestières participent plus activement aux réformes du secteur forestier. Cependant, les processus de consultation risquent toujours d'être purement théoriques et certains groupes pourraient être mis à l'écart lorsqu'il s'agit de mettre en œuvre ces réformes. Une participation plus éclairée signifie que les populations font davantage confiance aux institutions de l'État et aux lois, ce qui se traduit par une plus grande ouverture au dialogue et à une réduction des conflits. Ainsi, un mandat juridique clair et des procédures relatives à une représentation adéquate, de même que la prise en compte de l'ensemble des parties prenantes, sont autant d'éléments cruciaux lors du développement des politiques et des législations. Les citoyens seront ainsi assurés de participer aux résultats ; faute de quoi leur opinion sera susceptible d'être mise en cause par une résistance populaire et fragilisée par la corruption.
État de droit
Les nouvelles lois forestières ont énoncé des procédures plus rigoureuses pour réglementer les droits d'exploitation du bois, mais les autorités ne les appliquent souvent pas et les intérêts catégoriels exploitent les vides juridiques chaque fois que cela est possible. Les efforts menés à l'échelon international pour lutter contre le bois illégal offrent un potentiel très intéressant, mais ils risquent d'entériner un statu quo caractérisé par la corruption s'ils ne sont pas axés sur l'attribution transparente et responsable de permis dans les pays producteurs accompagnée de contrôles aux points d'entrée dans les pays consommateurs. La surveillance assurée par la société civile conjuguée aux demandes constantes d'information s'est avérée efficace pour exposer les irrégularités et exiger des agents de l'État qu'ils rendent compte de leurs actes. Néanmoins, pour aboutir, les efforts déployés dans les pays producteurs doivent être mis en œuvre de manière plus rigoureuse, notamment en adoptant des mesures qui permettent de formaliser les marchés intérieurs et de développer la capacité des autorités forestières à respecter l'État de droit. Les initiatives d'observation développées localement sont également bienvenues mais ont besoin d'un soutien politique et financier plus important ; en outre, des questions subsistent concernant les liens les plus efficaces entre les observateurs indépendants et les autres acteurs, principalement l'autorité forestière.
Transparence des recettes et des mesures incitatives
Les pays s'appuient sur des systèmes fiscaux différents pour distribuer les redevances qui proviennent de l'industrie du bois ou les mesures incitatives destinées aux activités de conservation et de foresterie. Concernant les redevances, des progrès ont été réalisés dans le but de clarifier leur distribution sur le papier et de publier les chiffres, mais, globalement, on constate un manque de responsabilité en matière de collecte, de distribution et d'investissement des fonds, et les gouvernements nationaux ne semblent guère prendre les mesures qui s'imposent pour s'assurer que l'industrie du bois paie ce qu'elle a à régler dans les délais prévus. Les programmes incitatifs qui soutiennent des objectifs environnementaux et sociaux sont quant à eux plus transparents, mais on continue de se demander s'ils parviennent jusqu'aux groupes les plus marginalisés, comme cela est prévu.
Utilisation optimale de la forêt
Alors que s'intensifie la concurrence autour de ressources de moins en moins abondantes, une mauvaise coordination et des processus de planification vagues empêchent les forêts d'être valorisées pour leurs services environnementaux. Il en résulte que les forêts continuent d'être détruites sans que l'on se soucie de leur importance pour les générations futures, surtout vu le changement climatique que connaît la planète. Les pressions exercées sur les forêts par les activités extrasectorielles, telles que l'exploitation minière et pétrolière et les plantations agroindustrielles, ont augmenté ces dernières années, et tandis que certains pays disposent de procédures dédiées aux évaluations environnementales stratégiques et à l'aménagement, les engagements gouvernementaux à l'égard de la préservation des forêts et des moyens de subsistance ruraux ne sont globalement que des paroles creuses. Une volonté politique accrue est nécessaire aux niveaux international et national pour remettre en question la priorité accordée à l'exploitation des ressources naturelles. Des propositions propices à la valorisation des forêts pour leurs services environnementaux doivent aussi inclure un cadre réglementaire qui permette de clarifier les droits et le partage des bénéfices.
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